"En milieu de nuit, la guirlande de leds se ralluma soudainement mais personne n’y fit attention. Chauffé à rouge par la gnole, Charles offrait un récital, accompagné par un percussionniste et une violoniste sortis d’on ne sait où. Assis dans l’herbe humide, Greg n’en ratait pas une miette, subjugué tantôt par les va-et-vient de l’archer, tantôt par la farandole bariolée qui se mouvait entre les convives. Il n’était pas fou de ces complaintes celtes lancinantes, pas plus qu’il n’en comprenait les pas. Mais ces gens étaient tellement beaux, si émouvants de liberté, que Petiot sentit monter le violent désir d’être définitivement des leurs. Submergé par la désinhibition ambiante, il ne lutta pas longtemps.

Avec ses yeux, il influença la danse des flammes et des ombres. Avec son esprit, il se rêva percussionniste en Inde, clarinettiste klezmer, guitariste tzigane, bref, artiste et artisan de son destin à part entière. Il imagina même une cause aux sourires offerts sans raison. Parce qu’à certains moments, l’essentiel est juste d’être là. Il ne se souviendrait pas s’être rapproché aussi souvent du bar, mais peu importe. Les vapeurs d’alcool et d’herbe étaient distribuées à l’humanité entière désormais, et ceci parfaitement légalement. Pourquoi n’en profiterait-il pas en toute plénitude ?

La belle Lucyl avait beaucoup d’amies. Une particulièrement, avec sa robe rouge qui révélait un galbe bien attrayant. En même temps, celle qui s’esclaffait à chaque faux pas, cette autre qui tourbillonnait plus sûrement qu’une tornade, n’étaient pas mal non plus. Alors, Greg se décida enfin. Il sépara deux mains pour s’incruster dans la ronde, puis une fois bien arrimé à ce séduisant navire, se laissa emporter par les pulsations hypnotiques du djembé.

Des heures plus tard, il s’écroula bouleversé. Mais ce n’était pas l’heure de la prise de conscience. Parce qu’à certains moments, l’essentiel est juste d’être là. Pas de comprendre pourquoi..."

 15x21 cm - 316 pages